PRIX COUP DE COEUR

Le parc du château de Valbelle

MORLANS Guillaume
ESKIS PAYSAGISTES

Situé sur une colline boisée à Tourves, en Provence verte, le Parc du Château du Comte Omer de Valbelle invite le visiteur à un parcours onirique au cœur du PNR de la Sainte-Baume. Les ruines du château et le parc, vestiges d’un lieu de festivités au XVIIIème siècle, sont classés monuments historiques. Ils composent un ensemble singulier où l’on découvre un patrimoine paysager romantique exceptionnel et des objets insolites qui jalonnent le parcours. Grâce à un travail de relevé terrain et d’analyses historiques, les paysagistes ont reconstitué des perspectives et axes disparus, tout en respectant la végétation naturelle. Le travail soigné sur les matériaux, en particulier sur l’usage de la pierre (calades, murs…) et du métal (garde-corps, escalier…) participe pleinement à la mise en scène du paysage, des statues et des fabriques insolites.

Le département du Var, propriétaire d’un Espace naturel sensible d’environ 8 ha qui jouxte les ruines de l’ancien château du comte de Valbelle, a lancé une mission de maîtrise d’œuvre pour imaginer un nouveau projet de parc s’appuyant sur les qualités paysagères du site et la richesse de son histoire. La commande initiale prévoyait de recréer parc à l’anglaise et jardin régulier évoqué dans les sources historiques avec une forte attente sur la question des plantations. Le degré avancé d’effacement des aménagements du XVIIIe a rapidement conduit notre équipe à engager un minutieux travail de relevé de terrain corroboré aux rares sources historiques disponibles afin de déterminer quel pouvaient être les dispositions des aménagements du Comte et en substance quels événements avaient pu réduire à néant tant d’efforts en l’espace de deux siècles. Ces hypothèses seront étayées par des fouilles archéologiques complémentaires. Au terme de cette enquête, c’est la poésie « du retour au sauvage » qui est apparu comme la véritable force des lieux : révéler par le projet l’impermanence des choses mêmes les plus monumentales. La singularité du site repose avant tout sur le paradoxe entre l’ampleur et le faste des ruines éparpillées sur cette longue colline (obélisque, colonnade, château féodal, écuries, pyramide) et la végétation somme toute très ordinaire de garrigue qui leur sert aujourd’hui de cadre. Il semblait alors évident que le travail était de faire surgir avec prudence et retenue cette épaisseur historique tout en conservant cette poésie du temps et de l’abandon faisant délicieusement échos aux pensées des Lumières. Le projet repose ainsi en premier lieu sur un travail délicat de jardinage de la végétation en place afin d’une part de mettre en valeur le patrimoine arboré précieux de ces sols squelettiques et, d’autre part, de retrouver, profondeurs, transparences, axes et perspective de composition du XVIIIe siècle. Une végétation enrichie très modestement par de jeunes plantations grâce au concours de Véronique Mure (botaniste et historienne des jardins). Cette ossature mise à nue fut ensuite restaurée de façon ciblée avec l’emploi de matières nobles et des savoir-faire locaux en collaboration avec l’architecte du patrimoine Jean-Denis Shauer. Un travail qui se concentre alors sur les espaces prestigieux du parc : calade d’accès au château, jardin régulier, revêtement et bordures de l’allée principale, escalier monumental, murs de clôture et de soutènement et restauration de la mystérieuse pyramide aux confins du parc. Des cheminements secondaires permettent en complément une découverte du site dans sa facture la plus naturelle. Des éléments de mobiliers, bancs, socle de statue et dispositifs interprétatifs et ludiques donnent enfin vie et sens aux espaces pour le plaisir de la découverte des différentes vies du parc de Valbelle.

L’AVIS DU JURY

Le jury du Palmarès du Paysage 2025 a souhaité attribuer un prix Coup de Cœur à un projet d’aménagement paysager atypique d’une grande richesse : en offrant une lecture des strates de l’histoire mouvementée des lieux, en ménageant des parcours sur les contours des masses boisées, en mettant en scène des vues sur le site lui-même et sur le lointain. La réponse du concepteur est ici juste, à la bonne échelle, tout en étant respectueuse des lieux. Les interventions, parfois modestes et pertinentes, guident facilement le visiteur dans sa déambulation. Les lieux, à eux-seuls, possèdent de grandes qualités paysagères. Mais le travail minutieux de l’équipe des architectes paysagistes a su révéler les traces du passé par des gestes simples, sensibles, du grand paysage à la plus petite échelle en accompagnant un paysage vivant.

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