PRIX DIPLÔMES — 1er PRIX

Auf dem Weg, Viticulteurs et habitants alsaciens face à l’abandon

METZ Simon
ENSNP BLOIS

En Alsace, le même scénario se répète encore : à quelques jours des récoltes, des aléas climatiques extrêmes dévastent les cultures. Résignés, les viticulteurs, garants des viabilités du territoire, n’ont pas le choix, ils doivent continuer s’ils veulent survivre. À l’arrière des vitrines folkloriques, une approche du paysage établie selon une logique d’anticipation et de prévention guidée par l’écoute et l’imagination collective permet de faire face à l’urgence des situations.
Sur le Piémont des Vosges, la culture de la vigne, véritable pilier économique et culturel de la région, a récemment pris une trajectoire inquiétante, une trajectoire similaire à sa cousine tabacole. Cette culture du tabac mise à l’arrêt trente ans plus tôt, aujourd’hui effacée des mémoires et dont il n’en reste que les séchoirs en ruine qui trônent au cœur des villages. À l’abri des regards et du folklore, l’abandon fait son œuvre. Affaissement de murs en pierre, chutes de tuiles sur l’espace public ou enfrichement de parcelles viticoles sont devenus affaires communes. Mais, au-delà des conflits d’usages, c’est l’ensemble des viabilités économiques, sociales et psychologiques qui s’amenuisent à mesure que ces « ruines agricoles » s’accumulent. Perçues par les habitants comme des obstacles aux usages quotidiens, elles préoccupent les élus, modifient l’image et l’écologie du vignoble au point d’affecter son économie productive et touristique. Voire, demain, de plonger le piémont dans une fermeture de ses paysages qui condamnerait une part non négligeable des êtres peuplant ses milieux. Alors, face à la multiplication des situations critiques et l’incapacité des maîtrises d’ouvrage à formuler des réponses cohérentes à l’échelle du piémont et sur le long terme, le projet de paysage a fait le pari de créer du sens dans l’urgence en invitant tout le monde autour de la table. Sous la forme d’une vaste enquête, le projet dessiné « en public » et sur trois temporalités distinctes à l’occasion de résidences en mairie, m’a encouragé à adopter une posture d’intermédiaire, de traducteur entre un site et de nouvelles aspirations sociales, écologiques, agricoles et techniques. Les solutions formelles, conçues à partir des ruines agricoles, se sont élaborées de proche en proche dans une redéfinition constante du projet et de ses outils. À tel point qu’à l’occasion des derniers jours de résidence, autour de la table du conseil municipal, ce sont les viticulteurs, les élus et les habitants eux-mêmes qui négociaient ensemble l’avenir de leurs paysages. La posture du paysagiste s’est construite ici dans l’exercice hétéroclite et simultané de situations d’urgences ; qu’il s’agisse d’une réhabilitation de deux séchoirs dans un centre-bourg, d’une remise en état d’infrastructures au cœur du vignoble ou de la préservation de Grands Crus viticoles. « Que faire quand votre monde commence à s’effondrer ? Moi, je pars me promener, et, si j’ai vraiment de la chance, je trouve des champignons » Ces brèves phrases de l’anthropologue Anna Tsing pourraient résumer à elles seules l’expérience acquise lors de ce travail et les sentiments mêlés qu’il faudra sans doute en garder. Il m’aura fallu pas moins d’une quinzaine de marches au milieu des vignes et parmi les séchoirs à tabac pour me convaincre que l’odeur âcre des maladies cryptogamiques et des lichens qui rongent les murs ne sont pas le signe du déclin, mais plutôt le parfum de la survie sur le Piémont des Vosges.

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