De 17h à 19h – Le 29 septembre 2021
* Conférence-débat avec Laurent Davezies, économiste. * Débatteur : David Djaiz, essayiste, ancien directeur de la stratégie et de la formation à l’Agence nationale de la cohésion des territoires. * Programme conçu et animé par Ariella Masboungi, architecte-urbaniste, grand prix de l’urbanisme 2021.
L’Etat a toujours soutenu ses territoires Dénouer par l’analyse rigoureuse des contre-vérités, voilà où Laurent Davezies excelle avec malice ! Être à contre-courant ne le gêne aucunement d’autant qu’il s’appuie sur un appareil statistique complexe qui lui est propre et qu’il gère avec gourmandise, n’hésitant pas à affirmer avec humour que sa « matière est profondément ennuyeuse ». Il ne se veut pas prophète pour penser le monde d’après qu’il esquisse toutefois, mais il s’agit de bien comprendre le monde « juste avant ». L’État reste décidément, à son sens, le principal aménageur des territoires les plus vulnérables et joue plus que jamais son rôle redistributif, faisant reculer les inégalités interrégionales en dépit de la polarisation croissante de l’emploi. Chose plus surprenante, « les machines redistributives réduisent de près d’un tiers les inégalités de niveaux de vie ». Cela ne signifie pas que tout va bien dans le meilleur des mondes car les inégalités restent importantes mais c’est en France qu’elles seraient dans les moins fortes des pays développés, en termes de niveaux de vie . Les territoires ruraux et peu denses seraient de plus privilégiés par l’État ! Mais oui, nombre de métropoles sont « des machines territoriales solidaires » vis-à-vis de leur hinterland faisant plus couture que fracture par des revenus métropolitains redistribués par les métropolitains à l’extérieur de leur territoire. La métropole crée donc plus de richesse qu’elle ne touche de revenus et fait mentir tous les haros sur les métropoles notamment avec la COVID. Ceci étant, les métropoles concentrent de plus en plus l’emploi. Davezies note même « une concentration dans la concentration » des emplois d’avenir (numérique, ingénierie, études techniques, services aux entreprises) dans quelques métropoles voire dans l’hyper centre de ces métropoles. Ainsi, grâce au mécanismes publics et sociaux, la « fracture productive » ne s’est pas accompagnée de fracture territoriale des revenus, notamment grâce à la forte augmentation de l’emploi public. Parmi les apports de Davezies, la modification de l’évaluation des revenus d’un territoire à partir des flux interterritoriaux, la distinction entre les territoires en partant de leurs créations brutes plutôt que de la variations nettes de leurs emplois, le regain de l’industrie, l’évocation d’un frein à l’ascension sociale par « l’hypergamie », c’est-à-dire le fait que les cadres se mettent moins en couple avec des personnes issues d’une moindre classe sociale qu’auparavant, etc. Il pointe également la différence entre l’inégalité territoriale et l’inéquité territoriale : certains territoires ont le sentiment d’être oubliés car ils ont une moindre densité de services publics alors qu’ils bénéficient d’une plus forte dotation par habitant que la moyenne nationale. Concluons par la boutade de Davezies : « on ne peut pas jouir d’une maison individuelle pas chère en zone peu dense et exiger d’avoir le métro à la porte de chez soi ». Il exprime, enfin, son inquiétude à propos des effets de la colossale dépense publique liée à la Covid, dont dépendent tant les secteurs publics que privés, et sur ce qu’ils peuvent induire en termes de problèmes économiques à venir. Autant de débats féconds en perspective… Ariella Masboungi Inscription : ICI